INAUGURATION LITURGIQUE DU GRAND ORGUE DE L'ÉGLISE SAINT-JEAN DE GRENOBLE
LE SAMEDI 6 MARS 1982
TEXTE DE L'HOMÉLIE PRONONCÉE PAR MONSEIGNEUR MATAGRIN


" Je me bornerai à souligner, au crayon rouge, trois des thèmes qui ont été évoqués soit au cours de la présentation du grand orgue, soit au cours de la liturgie de la Parole.

L'ESPRIT SAINT, LA PRIÈRE, ET L'ORGUE


Seul l'Esprit Saint nous rend capable de prier. Or la prière exprime un double mouvement de l'homme qui vient vers Dieu, avec son travail, ses soucis, ses difficultés, ses espoirs, son offrande et son péché, et de Dieu qui vient vers l'homme, prêt à se laisser rencontrer et à lui donner sa parole et son Esprit.

Quand nous venons vers Dieu pour lui parler, nous éprouvons toujours un décalage entre ce que nous voudrions dire et les mots que nous utilisons, ce qui est vrai dans nos rencontres avec les hommes l'est à plus forte raison dans la prière. Nous éprouvons une certaine souffrance en sentant la pauvreté de notre langage
qui trahit l'élan de nos cœurs. Comme il est difficile de s'arracher au poids de nos travaux, soucis et préoccupations ! Or l'orgue comme tous les instruments de musique sacrée, est une prière en acte, qui n'a plus besoin de paroles pour s'exprimer. La musique de l'orgue libère en nous une puissance de supplication, de jubilation, de louange, d'adoration et d'action de grâces qui sommeillait au fond de nos cœurs.

Dans la prière, nous venons écouter Dieu qui nous parle. Comme il est difficile de l'écouter, de nous désencombrer de nous-mêmes, du poids de nos soucis et de nos travaux ! Or l'orgue crée une atmosphère de silence, de recueillement, de paix, qui nous rend attentif à la présence de Dieu et à sa Parole.

L 'ESPRIT SAINT, LA RÉCONCILIATION ET L'ORGUE

Si dans l'Occident latin l'orgue est considéré comme le roi des instruments de musique sacrée, c'est qu'il résume en lui, grâce à ses multiples jeux, les voix si variées de l'univers sonore, les voix des oiseaux, des hommes ou des anges, mais aussi celles des autres instruments flûte viole gambe hautbois trompette.

Dans la mesure où l'orgue a filtré et mêlé ses voix dans la majesté de sa voix propre, il représente à lui tout seul une espèce d'orchestre capable d'exécuter une symphonie. Ainsi soit qu'il introduise et accompagne les chants liturgiques en leur donnant appui, résonance et ampleur, soit qu'il exprime la prière de l'assemblée qui est informulable par la parole, l'orgue est signe et facteur d'unité. L'accord juste des sons signifie l'harmonie des personnes. Soyons réalistes, nous sommes différents et il y a parfois entre nous des tensions, des divergences et des conflits. Seul l'Esprit Saint est la source d'une unité réalisée de l'intérieur entre des personnes différentes et peut-être opposées entre elles, unité qui vient de Jésus Christ lui-même.

L'ESPRIT SAINT, L'ESPÉRANCE ET L'ORGUE

L'Esprit Saint fait l'unité du peuple chrétien qui chemine sur la terre, mais aussi des pèlerins que nous sommes, en marche vers la maison de Dieu, et de celles et ceux qui nous ont précédés, aujourd'hui vivants en Dieu, célébrant la liturgie du ciel.

La prière liturgique nous unit à ce cantique nouveau, celui des Anges entendu par Isaïe au Temple de Jérusalem, celui des Anges et des Saints, dont le Livre de l'Apocalypse nous dévoile la splendeur et la beauté. Or la musique d'orgue est comme l'anticipation et la préfiguration de cette Liturgie céleste que nous ne pouvons pas imaginer mais où nous pouvons nous laisser transporter si nous livrons nos êtres à ce qui leur permet de se dépasser et de pénétrer dans une atmosphère de beauté, d'amour, d'harmonie et de joie. Ainsi la
musique d'orgue nous entretient-elle dans l'espérance.

Que cette célébration eucharistique nous renouvelle donc dans l'Esprit Saint, dans la prière personnelle et communautaire, dans la foi au Christ ressuscité, dans l'amour fraternel et dans la volonté d'œuvrer partout pour que tous les hommes se reconnaissent comme des frères, et enfin dans l'espérance de l'avenir qui nous est promis, un avenir de bonheur pour les siècles sans fin. Amen."

Gabriel MATAGRIN
Évêque de Grenoble

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